1 juin 2015

Qu'est ce que c'est? Les EIP





Les EIP sont les Enfants Intellectuellement Précoces; on leur donne ce nom parce qu'ils ont en moyenne deux années d'avance au niveau du développement cognitif sur leurs camarades de classe. 
Disons le d'entrée de jeu: cette appellation est erronée. Le mot "précoce" signifie qu'il serait en avance à un moment donné de son développement, mais qu'il sera rattrapé à la ligne d'arrivée par les autres enfants. 




L'enfant "précoce" ne sera jamais rattrapé, pour la simple et bonne raison qu'il n'évolue pas dans le même référentiel que ses camarades. Il est "surdoué", "Haut Potentiel", "zèbre", une caractéristique qui se retrouve chez les adultes comme chez les enfants, due à des caractéristiques de fonctionnement du cerveau bien spécifiques. 




Le mode de pensée: 


Une personne "normale" raisonne suivant un processus séquentiel: une idée mène à une autre idée, elle même suivie d'une troisième idée, etc. 

Une personne Haut Potentiel (ancien EIP) a une pensée en arborescence: une idée ouvre sur toute la catégorie d'idées qui lui sont associées, qui elle même ouvrent sur d'autres idées, etc.

L'enfant HP doit donc naviguer manuellement dans ce fouillis d'idées pour arriver à la conclusion de son raisonnement (tronc => branches). Cette pensée a également ses avantages: comme il est capable d'utiliser de multiples entrées pour un même problème (branche => tronc), il est capable de résoudre certains problèmes beaucoup plus vite et de manière plus rapide et pertinente qu'une personne "normale". Tout dépend de la nature du problème et de la manière dont il est présenté.  


Les 5 sens puissance 1000



Autre spécificité de l'enfant HP: l’hyperesthésie. Leurs sens captent, à leur insu ou pas, beaucoup plus d'indices sur leur environnement que la personne "normale". Tout cela rentre dans les branches de la pensée et est traité, souvent de manière inconsciente, mais l'enfant HP, ayant pris d'avantage de renseignements que l'enfant "normal" sur son environnement, est capable d'une lucidité sur ce qui l'entoure très pertinente, sans qu'il sache pourquoi d'ailleurs, puisque tout cela se passe en background du cerveau. 

Cette hyperesthésie est couplée chez l'enfant HP, à un déficit de l'inhibition latente.
Qu'est ce que c'est que ça? 

C'est ce qui vous permet, quand vous rentrez dans une pièce avec une horloge dont la trotteuse fait un bruit d'enfer, de ne plus entendre le bruit en question au bout de 5-10 mn parce que votre cerveau l'a classé dans "pas important, ne pas faire attention". 
Le cerveau HP a beaucoup de mal à utiliser la fonction "pas important, ne pas faire attention", ce qui fait que l'enfant est parasité en permanence par des détails (visuels, auditifs, olfactifs) que les autres ont cessé de percevoir quelques minutes après être entrés dans la pièce.


L'hypersensibilité



Les émotions jouent un rôle primordial dans le fonctionnement du cerveau HP: on parle de Quotient Emotionnel (QE), qui est élevé à proportion du QI. L'enfant et l'adulte HP sont constamment en proie à des variations d'émotion intenses, dues en partie au fait que leur pensée va plus loin. 

Admettons que vous ayez un chat chez vous; vous prenez la voiture et voyez un autre chat écrasé sur la route. Ce n'est jamais agréable à voir, mais après tout, c'est la vie, et quelques minutes après, vous aurez oublié. 
L'enfant HP assis à l'arrière de la voiture a vu le chat également, et dans sa tête s'est ouverte la branche "chat":

"Pauvre petit chat, sa maîtresse va être tellement triste qu'il soit mort... Mais mon chat à moi sort aussi, il pourrait se faire écraser, devant chez nous, il y a une grande route, et je ne peux pas surveiller tout le temps si mon chat va sur la route ou pas. En plus s'il se fait écraser quand je suis à l’école et Maman et Papa sont au travail, personne ne sera là pour le soigner et l'emmener chez le vétérinaire, et il va mourir tout seul sur la route, il va m'en vouloir de ne pas l'avoir protégé."

Là où vous avez simplement vu un chat écrasé, l'enfant HP a pris conscience: 

- Des risques que court son chat lorsqu'il sort
- De son incapacité à lui, enfant, d'empêcher que cela arrive (culpabilité)
- De l'incapacité de ses parents à empêcher que cela arrive
- De la probabilité que son chat meure écrasé
- De l'amour qu'il a pour son chat et de la tristesse qui l'accablerait si ce chat mourrait
- De la tristesse qui va accabler l'enfant propriétaire du chat écrasé qu'il vient de voir

L'enfant va finir par fondre en larmes ou entrer dans une grande tristesse mutique. 
Vous qui conduisez, vous n'avez rien vu venir; il vous faudra poser des questions à l'enfant pour remonter à l'élément déclencheur de ce raisonnement et comprendre pourquoi cette tristesse soudaine. Son raisonnement étant parfaitement réaliste et lucide, vous ne pourrez pas le contrer. En rentrant, il fera un gros câlin à son chat et c'est seulement à ce moment là, en se reconnectant au présent qu'il va pouvoir dépasser sa douleur...


La différence...




On peut s'interroger sur la pertinence de cet étiquetage des élèves: dys quelque chose, EIP, hyperactif... 
Comme tous les élèves à besoins spécifiques, l'élève EIP rencontre des problèmes qui lui sont propres et qui découlent de son fonctionnement particulier. Il est désynchronisé par rapport aux autres, ses préoccupations, sa vitesse d'appropriation, son rapport aux pairs, son rapport à l'adulte... tout est différent (c'est n'est pas noir vs blanc, mais c'est différent). 

Une différence non prise en compte ouvre la porte à un flot incessant de questions pour l'élève: 

Pourquoi cela est-il difficile pour moi et facile pour eux? 
Pourquoi cela est-il difficile pour eux alors que moi j'ai compris tout de suite? 
Pourquoi ne nous comprenons-nous pas?
Pourquoi suis-je si sensible aux choses qui passent complètement au dessus des autres? 

Suis-je bête, naïf, fou peut-être? 

Imaginez avoir une énorme tache de vin sur la figure et n'avoir aucun moyen de voir à quoi vous ressemblez, pas de miroir, pas d'eau stagnante, rien. Le porteur de la tache s'examinera sous toutes les coutures en se demandant les raisons de regard bizarre chez les autres, cherchant, culpabilisant, essayant de changer toutes les facettes de sa personnalité pour se faire accepter, sans succès, puisque le problème n'est pas là.  
Il ne pourra pas trouver de réponses tant que personne ne lui dira "Tu as une différence physique visible, tu es différent des autres et c'est pour cela qu'ils te rejettent". Point. 
Ce n'est pas ce que tu fais, c'est ce que tu es. C'est moche, mais c'est comme ça, malheureusement. 

Différent tu es, et tu resteras. Comme toutes les personnes différentes de la norme, tu vas devoir prendre sur toi, travailler à t'adapter, à contourner ce qui te pose problème, à trouver un moyen, comme les gauchers qui vivent dans un monde de droitiers, les aveugles qui vivent dans un monde de voyants, les sourds qui vivent dans un monde d'entendants, les dys qui vivent dans un monde de non-dys, un moyen de faire avec et de trouver ta place dans un monde qui n'a pas été conçu par des gens qui fonctionnement comme toi. 



A l'école




La scolarisation de ces enfants pose certains problèmes: 

En classe ordinaire, ils s'ennuient... 
Si l'on différencie à la hausse pour cet enfant HP, est-ce que l'on ne l'expose pas encore d'avantage à la stigmatisation par ses camarades? 
Si l'on explique à ses camarades les spécificités de cet enfant, comme on pourrait le faire pour un enfant en situation de handicap scolarisé dans l'ordinaire, que vont-il en conclure, quels sentiments cela va-t'il éveiller chez eux? De la jalousie? L'idée est bien ancrée dans les mentalités: celui qui a "plus" n'a pas à se plaindre. 
Si l'on se décide pour un saut de classe, l'enfant reste en dysynchronie avec ses camarades: si il a plusieurs années d'avance cognitivement parlant, il "fait son âge", émotionnellement parlant (sans parler de son hypersensibilité) et court le risque de devenir le "gros bébé" de la classe. 
Si l'on décide de le scolariser dans une école spécialisée, ou à domicile (comme le font certains parents d'enfants HP), on l'exclut du monde "normal" dans lequel il va de toute manière devoir évoluer dans sa vie d'adulte. 

Que faire? ...


Pour aller plus loin







Monique de Kermadec, psychologue spécialisée dans le Haut Potentiel Intellectuel 









Les Tribulations d'un Petit Zèbre, blog tenu par une famille HP
(je vous préviens, ils ne sont pas toujours tendres avec l'école et les enseignants, car ils ont du faire face à des équipes éducatives pas du tout compréhensives)










Jeanne Siaud-Facchin, qui a écrit le livre-référence en matière de Haut Potentiel chez les adultes mais aussi chez les enfants. 

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